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Portrait de Florence Roullière souriant à l'objectif

Vous êtes-vous déjà posé cette question : « Pourquoi fais-je ce que je fais ? Quel est mon moteur ? ».

Je me la pose constamment. À l’occasion de la création de ce blog, cette question résonnait comme souvent, et des souvenirs de ma relation au yoga ont émaillé ma réflexion.


Dans cet article, je reviens sur mon parcours dans le yoga, un chemin qui m'a conduite à explorer de multiples influences et à me questionner du point de vue de la science sur la pédagogie de notre pratique.

Mes premiers pas

À la fin des années 90, le yoga est encore bien loin de l'image qu'il projette aujourd'hui. Pour moi, il évoque avant tout la posture du Lotus et la méditation – et pourtant, l'idée même de m'asseoir immobile m'était insupportable.


Mais vous, qui êtes sans doute un.e converti.e, devinerez la suite : dès la première séance, j'ai ressenti cette reconnexion inoubliable, celle qui nous ramène au tapis, encore et encore. Ce n'était plus seulement du mouvement ; c'était une respiration profonde jusque dans mes cellules, une nouvelle manière de ressentir mon corps et mon environnement.

Quand yoga rimait avec sobriété

Petit souvenir amusé : mes premiers pas dans le yoga ont été marqués par la simplicité et la sobriété. Vieux survêts confortables et élimés, tapis en caoutchouc fissurés offerts par l'ancien gymnase, public essentiellement senior et ambiance de quartier... A des années lumière du business qui s'est développé bien plus tard.

A la fin de la première année, mon professeur partant à la retraite nous a offert ces fameux tapis. J'ai gardé le mien jusqu'en 2015...

Tout est à découvrir

Fascinée, je suis tous les cours disponibles dans ma petite ville : d’un côté, le yoga Madras, où les seules consignes précises étaient de rétroverser le bassin « pour protéger le bas du dos », et de porter une attention particulière à la longueur de l’expiration. De l’autre, le yoga Iyengar, où l’alignement était au cœur de chaque posture, avec une rigueur étonnante.


À cette époque, on m'exhorte déjà à choisir mon camp, comme si pratiquer au sein de deux lignées diluait ma pratique. Comme si d'une lignée à l'autre, j'étais une transfuge. Impossible : comme toujours, tout m'intéresse, je veux The Big Picture ! Et après toutes ces années, je reste convaincue que l’exploration de la diversité ne fait qu'enrichir ma pratique, encore et encore.

classe de yoga Iyengar avec l'alignement précis de Utthita Parsvakonasana

Classe de Yoga Iyengar : Utthita Parsvakonasana, précision et uniformité pour maîtriser le corps et le mental

Classe de yoga de Madras - posture de Bhujangasana

Classe de Yoga de Madras : Urdhva Mukha Svanasana, écoute des sensations et adaptation des postures au ressenti individuel.

L’École Française de Yoga : une exploration de différentes lignées

Quand je rejoins l’École Française de Yoga de la rue Aubriot au début des années 2000, je découvre une approche anti-dogmatique, m’incitant à explorer plusieurs lignées. Cette étape a marqué mon parcours, car elle m’a appris que le yoga pouvait être à la fois structuré et libre, que les lignées pouvaient dialoguer sans s'exclure.


J’y trouve une grande richesse, mais ce sont surtout les cours de Pascale Brun en Yoga Durckheim qui me marquent profondément. Inspiré par la pensée du maître zen Karlfried Graf Dürckheim, le Yoga Durckheim est un yoga d’exploration intérieure, qui met l’accent sur la présence à soi, les sensations, et la liberté dans la pratique. Cette approche, empreinte d’influences zen, porte en elle l’héritage des pratiques somatiques que j'affectionne tant.

Jeune femme assise en tailleur s'étirant face à un lac au soleil couchant

La question "Qui est là ?", que j'ai appris à me poser régulièrement, m’invite à reconnaître mes affects : à chaque instant, observer quelle part de moi est aux commandes.

Cette question, qui m'a d'abord surprise, est une manière simple de mettre en pratique l'observateur, le témoin cher au yoga. Cette attention portée aux émotions, aux pensées et aux sensations m’a laissé une pratique très autonome, indépendante de toute directive, qui continue de me nourrir au quotidien.

La découverte de l’Ashtanga et du Vinyasa

Vers 2010, je m' aventure dans le monde de l’Ashtanga. J’y découvre un yoga hautement codifié, où chaque posture est guidée par des consignes précises, la respiration puissante et fermement synchronisée. J’apprécie la fluidité et la puissance de ces pratiques ! Le cadre est fascinant, porteur, même si cela me laisse peu de place pour explorer mon souffle et mes sensations comme je l’aime tant. La même question émerge à nouveau : comment allier rigueur et espace de liberté ?

femme pratiquant Chaturanga_Dandasana-ashtanga.

Chaturanga Dandasana : l'un des piliers des transitions dans la pratique d'Ashtanga. Elle incarne la force, la stabilité, le contrôle. Elle nécessite une progression pour l'épaule que je décrypte dans mon Cours Repenser l'Alignement

L'approche du yoga thérapeutique

C’est la période à laquelle que je ressens le besoin d’une perspective plus scientifique, je me tourne donc vers l’Institut de Yogathérapie du Dr Lionel Coudron. Cette expérience a changé ma vision pour toujours : il ne s’agit plus seulement de penser les postures, pranayamas ou kriyas selon des séquences thématiques ou saisonnières, parfois inspirée de l'ayurveda, mais d'intégrer un yoga complet à une hygiène de vie globale – que d’aucuns appelleraient holistique – issue de la médecine contemporaine occidentale. Sommeil, nutrition, cognitions, émotions, relations : tout notre environnement est pris en compte pour une santé optimale.


J'y étudie également la science de la douleur qui s'aligne, elle, avec un ressenti agréable et le sentiment d'auto-efficacité. Jocelyne Borel Kuhner, médecin algologue (médecin-douleur) et yogathérapeute rencontrée pendant ce cycle - et avec qui je travaillerai plus tard - parle à ses patient.e.s de "trouver la faille de la sensation agréable". Exit à nouveau l'alignement strict, retour à un yoga sur-mesure, orienté sur l'attention consciente à la respiration et aux sensations agréables, malgré la douleur. La forme extérieure de la posture n'est plus centrale.


Cette série de révélations bouleversent à nouveau ma compréhension du yoga ! Elles éclairent mon propre ressenti depuis toutes ces années et réorientent ma pratique, pour le meilleur.

pratiquantes en posture d’Ardha Paschimottanasana, assis avec une jambe allongée pour l’étirement des chaînes postérieures

Ardha Pascimottanasana (la demi-pince) : un étirement asymétrique des chaines postérieures très utilisé en yoga thérapeutique. L'"alignement" classique laisse la place à la sensation individuelle d'étirement agréable.

La remise en question par la science

Anatomie fonctionnelle : la base de la compréhension du mouvement

En parallèle, j'approfondis l'anatomie du yoga aux côtés de figures comme Blandine Calais Germain et Judith Hanson Lasater. Nouvelle révélation : combien notre interprétation de la posture de yoga et les instructions qui en découlent reposent sur des mythes non documentés !

Biomécanique, science de l'exercice, esprit critique

Je ne m'arrête pas là. Le monde du Yoga célèbre l'anatomie comme LE savoir qui permet d'accéder à un yoga sécure, pour nous et nos élèves. Mais l'anatomie n'est rien sans la biomécanique, la science de l'exercice et l'esprit critique. C'est le point de départ avec Greg Lehman et Jules Mitchell d'une lente déconstruction qui a secoué mes fondations.

  • La biomécanique analyse les charges supportées par nos articulations en mouvement et leur répartition selon les variations de posture – un savoir essentiel pour les profs de yoga !
  • La science de l'exercice rassemble une vaste quantité de recherches sur la performance, les blessures et la gestion de la douleur.
  • L'esprit critique nous aide à prendre du recul sur nos croyances, à les questionner, à examiner leurs origines et à évaluer leur validité scientifique.
Pratiquante en posture de guerrier 2 sur un plateau de force biomécanique

Dans cette étude (Wilcox et al 2012) parue dans le International of Exercise Science, les chercheurs en biomécanique ont étudié les Forces de Réaction du Sol (FRS) dans les postures de yoga grâce au petit plateau de force sous les appuis de la pratiquante.

Un héritage qui cultive le flou

Biomécanique, science du mouvement, de la douleur... Autant de domaines auxquels le monde du yoga du XXIe siècle est encore peu sensibilisé, voire hermétique ; et il reste inversement très perméable à l'ésotérisme. C'est inscrit dans son ADN : la transmission de maître à disciple au XXe siècle demandait respect et dévotion, souvent sans remise en question ; en retour, la promesse de la progression spirituelle.

L'appel au Gourou

Un bon repère pour éviter les dérives est de poser des questions concrètes sur la pratique. Si, en réponse, on vous promet une compréhension mystique à venir – « tu comprendras » – ou si l'on invoque « la tradition » sans explications claires, anatomiques ou biomécaniques, soyez vigilant.e.


C'est sans doute un biais cognitif, l'« appel au gourou », où l'on s'appuie sur la réputation d'une figure d'autorité pour compenser le manque d'arguments solides et inciter à croire sans questionner. Les pires manipulateurs développent même des jargons à l’apparence scientifique pour crédibiliser leurs propos jargonesques. Pourtant, avec quelques connaissances sur le sujet, il est facile de les démasquer ! Et leur discours serait drôle, s'il n'était pas en réalité une tentative d'emprise.


La connaissance concrète doit primer sur l'autorité ; une transmission généreuse et transparente offre aux élèves des repères fiables pour progresser en toute sécurité.

professeure d'anatomie qui mobilise l'épaule de l'élève face à une planche anatomique

Anatomie, biomécanique : le jargon et le squelette ne font pas l'expert.

Vers une transmission du yoga 2.1

C’est en prenant ce recul que j’ai compris pourquoi les échanges entre professeurs de yoga peuvent être si complexes. Chaque lignée développe son propre langage et il devient difficile de se comprendre, même en parlant des mêmes principes de mouvement. Les conversations peuvent parfois s’avérer délicates ! Si vous avez suivi mes cours, vous savez à quel point la phase "Définition" est essentielle afin de pouvoir s'accorder.


Paradoxalement, le yoga souffre également d'un appauvrissement de langage : notre guidance, notre discours, nos croyances sur le mouvement se sont simplifiés pour s'universaliser. L’objectif ici n’est pas de questionner les causes de ce phénomène, mais de nourrir notre pédagogie de modèles plus riches et nuancés.


Depuis ces prises de conscience, mon approche vise à développer une compréhension autonome du corps en yoga, à questionner les affirmations péremptoires et leurs origines, et à examiner les données scientifiques de manière critique. Déconstruire pour mieux reconstruire, avec un scepticisme sain. C'est tout le propos de mon Cours Repenser l'Alignement.

L'hypermobilité et le tissu conjonctif

Dès ma première séance de yoga, j'ai eu le plaisir de trouver certaines postures de souplesse accessibles. Bien plus tard, j'ai découvert que je suis hypermobile.


En France, on parle souvent d'« hyperlaxité » pour désigner des tissus conjonctifs (tendons, ligaments, capsules articulaires, fascias) qui se déforment plus facilement que chez la majorité des personnes. Cela entraîne une plus grande mobilité articulaire – appelée "hypermobilité" dans la recherche et à l’international – qui rend certaines postures de yoga, souvent exigeantes pour d'autres, plus accessibles.


Naturellement, le yoga attire de nombreuses personnes hypermobiles. Nous y sommes souvent « bon.ne.s » ! Pourtant, cette particularité peut s'accompagner de troubles variés : musculo-squelettiques, digestifs, immunitaires, anxieux; POTS (trouble postural orthostatique)… L’hypermobilité est également fortement corrélée à la neurodivergence (TDAH - trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité, TSA - troubles du spectre autistique).

Florence en posture hybride moitié aigle, moitié vache, vue de dos pour respecter l'hypermobilité de ses épaules

Eka Pada Sirsasana, posture de la jambe derrière la tête exige une mobilité extrême de hanche.

Ces dernières années, j'ai ressenti le besoin de comprendre l'hypermobilité en profondeur pour adapter ma pratique. Elle m’avait beaucoup aidée au début, mais avec le temps, j'ai accumulé douleurs et blessures. J'ai découvert que certaines de mes articulations hypermobiles étaient également instables et que les amplitudes de certaines postures de yoga aggravaient leur instabilité.


Pour y voir plus clair, j’ai exploré la recherche sur ce sujet. J’en ai même fait un cours, que j’ai eu l’occasion de donner dans le cadre du DU Yoga et Santé de l’Université des Sciences des Sports de Nancy, dirigé par Bruno Hilton. "Ce que le yoga peut faire, il peut le défaire" dit Judith Hanson Lasater à propos de postures inadaptées pour certaines personnes dont on inverse les méfaits en modifiant la pratique. De fait avec une meilleure compréhension, j'ai amélioré ma stabilité articulaire et limité la douleur.


Connaître l'hypermobilité est indispensable aux professeur.e.s de yoga. Si vous faites les postures de souplesse sans difficulté, vous êtes peut-être hypermobile. Beaucoup de vos élèves le sont aussi. Vous retrouverez ce cours sur ma plateforme, ainsi que de nombreux articles sur l’hypermobilité et le yoga dans ce blog.


👉 Voir mon cours Équilibrer l'Hypermobilité

Florence en posture hybride moitié aigle, moitié vache, vue de dos pour respecter l'hypermobilité de ses épaules

Une version hybride de la tête de vache avec les bras de l'aigle :

hypermobile-friendly pour mes épaules instables

Pour une Intelligence du Yoga : une exploration nuancée et inclusive

Quand je parle d’"Intelligence du Yoga", j’envisage une approche nourrie par des connaissances actualisées, issues à la fois du patrimoine du yoga et de la science du mouvement. L’objectif est de faire des choix éclairés, adaptés aux besoins et singularités de chaque pratiquant.e, pour optimiser l’expérience corporelle et mentale. Cette intelligence resterait ouverte, curieuse et respectueuse de la complexité de chacun.e, loin de toute certitude rigide.


Voilà pourquoi j’ai décidé d’écrire ce blog. Mon intention n’est pas de déconstruire pour le plaisir, ni de réduire le yoga à des principes scientifiques stricts. J'ai bien trop de respect pour cet héritage qui me nourrit chaque jour ! Je souhaite simplement créer un espace d’exploration où la tradition et la science du mouvement se rencontreraient dans toute leur subtilité. Sans dogme.

L'art du Yoga, à la lumière de la science.

Pour en savoir plus sur mon parcours

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Plus d'articles

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Mon Cours Repenser l’Alignement :
le fruit de 20 ans d’exploration

Fruit de ces années de recherche, de remise en question et d’apprentissage, ce cours propose une vision renouvelée de l’alignement en yoga, enrichie par la science du mouvement et la biomécanique.

Conçu pour vous accompagner dans votre pratique et votre enseignement, il réconcilie la pédagogie du yoga avec la connaissance contemporaine.


C'est un pré-requis au cours sur l'Hypermobilité.

Remerciements

Je tiens à remercier les professeur.e.s et collègues qui ont croisé ma route et enrichi ma pratique. Votre sagesse et vos enseignements continuent de résonner dans mon travail aujourd’hui.


Alain Gâches, pour m’avoir transmis le feu sacré,

Pascale Brun, pour m’avoir guidée vers une exploration libre et consciente du corps,

Lionel Coudron, pour son regard novateur sur la yogathérapie,

Judith Hanson Lasater pour m'avoir encouragée à enseigner selon ma voie et le beau cadeau du Yoga Restorative,

Lorimer Moseley et Greg Lehman pour leur capacité à rendre accessible des concepts complexes,

Jules Mitchell pour m’avoir permis d'organiser ma pensée,

et Jocelyne Borel-Kuhner pour ses partages nourrissants et sa confiance...


Un merci très spécial à Eugénie Mathys, Line Bigret-Combes et Delphine Denis pour nos échanges et votre soutien 🤍

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© Florence Roullière 2024
Crédit Photos Sarah Robine